Archives de l’auteur : linguanostra

Pietra fraîche et diable trompé

Cet article a été publié pour la première fois sur l’excellent site http://www.la-rando.com/

Un sourd mécontentement montait dans mon lectorat frustré de ne pas se voir livrer des indications plus précises quant à la localisation de la vallée du Filosorma. D’aucuns commençaient même à répandre une rumeur suivant laquelle l’endroit serait imaginaire. Je croyais pourtant avoir fait litière de ces allégations lors d’un précédent billet. Mais soit! Il me  faut céder et donner plus de détails.

Pour bien découvrir l’endroit, je vous conseille de vous installer en saison sur la terrasse du snack «  A Muvrella  ». Publicité gratuite pour l’établissement exploité par ma cousine. Il est de bonne tenue sinon, je ne me permettrais pas http://muvrella.pagesperso-orange.fr/. De l’endroit où vous vous trouverez à cet instant, croquant dans quelque sandwich au lonzu et regardant avec la satisfaction du propriétaire, une Pietra gouttelante de fraîcheur, de cette terrasse donc, vous pourrez découvrir un paysage panoramique sur la «  grande Barrière  », le bassin du Fangu et ses affluents.

Cette vallée a connu un peuplement ancien. C’était un lieu où les bergers des hautes vallées du Niolu venaient passer l’hiver à la plaine avant de remonter en estive dans les bergeries de montagne.

C’était la route de transhumance «  a muntagnera  » qui empruntait les cols de Caprunale et de Guagnerola. Je l’ai déjà évoquée comme quoi ce libre parcours de blog obéit néanmoins à une certaine cohérence.

La vallée du Filosorma correspond au bassin du Fangu et compte quelques villages, Bardiana, le plus récent, est celui où vous vous trouverez.. Montestremu le plus haut perché sera en face de vous et Mansu caché par un repli est plus en aval.

Bardiana a été créé par notre aïeul qui était garde forestier. Sa maison «  a casa bardiana  » la maison forestière a donné son nom au village qui s’est développé de part et d’autre de la route forestière. A l’ubac hélas mais nul n’est parfait pas même les hameaux.

Ce fut un endroit peuplé et animé jusqu’au lendemain de la seconde guerre. On y cultivait les céréales et cette micro-région vivait dans le cadre d’une économie agro-pastorale. Puis petit à petit, elle s’est dépeuplée pour retrouver de la vie au moment où l’été arrive.

Levez les yeux et observez ! Au tout premier plan, le confluent entre les rivières venues de droite et de gauche. A partir de ce confluent on peut parler du Fangu. La vallée de droite remonte vers Caprunale. Celle de gauche vers les sommets qui surplombent Asco et le Niolu.

Vous observez plus haut, un chaînon rocheux qui sépare bien deux vallées, celle de la rivière Cavichja à droite et celle de Bocca Bianca à gauche. Cet endroit se nomme «   E force  » les fourches.

De la gauche vers la droite vous pouvez voir certains des sommets les plus hauts de Corse. En plein milieu de la vallée de gauche, cette pointe triangulaire se nomme a Muvrella.. Derrière elle, la station de ski du haut Asco..à une bonne dizaine d’heures de marche toutefois.

Plus à droite, le Stranciacone aux formes plus arrondies. Puis la Punta Missodia et enfin (hors dessin) surplombant un cirque bien connu, celui de la solitude, traduction très, trop, exotique pour un lieu que les bergers nommaient i cascittoni ou ghjarghja minuta, et enfin a Punta Minuta et ses névés. C’est le parcours du GR20 dans sa partie la plus alpine.

Vous avez remarqué bien entendu la montagne trouée, le Tafunatu. J’y reviendrai. Derrière, on peut distinguer un promontoire qui la prolonge. En fait il s’agit de deux sommets différents. Ce promontoire c’est la Paglia Orba qui est séparée du Tafunatu par un col étroit nommé le col des Maures. Derrière ces sommets, les hautes vallées du Niolu. Cette longue suite de sommets dont plusieurs dépassent les 2000 mètres, ne peut être franchie qu’à deux endroits. Les mollets vous démangent à l’évocation de ces sommets. Je vous suggérerai plus tard quelques idées de promenade.

Mais avant d’en arriver là, pourquoi ne pas conclure aujourd’hui par une vieille légende.

 » Au temps où Saint-Martin gardait les troupeaux dans les prairies du Niolu, il reçut la visite d’un étranger qui lui demanda d’entrer à son service. Ce dernier semblait nécessiteux, le saint l’engagea donc, dès la première nuit où il partagea sa hutte avec son domestique, il s’aperçut que celui-ci dégageait en dormant, une forte odeur de soufre.Le lendemain matin, Martin dit au pâtre qu’il avait deviné sa véritable identité et qu’il ne pouvait le garder à son service. Le diable entra dans une violente colère. Il s’en alla donc, décidé à rester dans les environs et à faire à Saint-Martin une redoutable concurrence.

Le diable qui sait admirablement déguiser sa méchante personne s’en alla trouver le chef du village du Niolu. Il lui proposa de lui construire un pont sur le Golo en échange de la propriété d’une âme à choisir dans son village. Mais celui-ci s’en alla demander conseil à Saint-Martin. Quelques heures plus tard, le diable réapparut, le chef du village donna son accord mais le pont devait être complètement achevé en une nuit, c’est à dire, avant que ne chante le coq. Le satanique ingénieur se mit au travail, toute la nuit on entendit près du Golu un vacarme épouvantable, le pont était presque achevé tant les milliers de diablotins appelés par Satan à son aide avaient mis d’ardeur à leur ouvrage. Au milieu de ces ténèbres enfiévrées par le tumulte infernal, un homme marchait calme et paisible, il contempla le travail exécuté. Une seule pierre restait à poser. La clé de voûte du Pont.

Alors l’homme sortit de dessous son manteau un coq. Le coq s’étira et se mit à chanter. Un cri de rage partit des rangs des travailleurs de l’enfer. À son tour, le diable, poussa un rugissement affreux et lança en l’air son outils inutile. Le marteau alla frapper le « Capu Tafonatu », (la montagne trouée) qu’il traversa de part en part. Et c’est ainsi que fut creusé le trou du diable, à l’instant précis où Lucifer disparut. « 

Des lettrés, des savants, des géologues évoquent un problème d’érosion à propos de ce trou. Pourquoi pas. Chacun est libre de croire ce qu’il veut y compris au diable.

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

Fulettu e figatellu…

Cet article a été publié pour la première fois sur l’excellent site http://www.la-rando.com/

Il serait peut être temps de vous dire comment trouver la vallée du Filosorma. La mythologie c’est passionnant mais un public de randonneurs avertis n’a cure de ces vieilles histoires et attend qu’on lui dise où user ses Meindl. Le Filosorma se trouve du coté nord ouest de la grande barrière.

La longue série de sommets qui partage l’île en deux et qu’on ne peut franchir qu’en empruntant quelques passages. Caprunale puis Guagnerola, Bocca Muvrella entre autres. Fabrikant dans son guide incontournable quoiqu’ancien note toutefois que la vallée du Filosorma n’est pas le point de départ idéal pour rejoindre ces cols. Vallée trop basse, trop près de la mer avec l’obligation de s’avaler de lourds dénivelés avant que d’atteindre des crêtes qui semblent pourtant si proches.

En arrivant à Bardiana, vous découvrirez cette grande barrrière, Muvrella, Stranciacone, Paglia Orba et Tafunatu dont les approches sont articulées autour des bassins versants du Fangu. Vallon de Bocca Bianca à gauche pour filer vers le haut Ascu à condition de trouver le chemin et d’avoir le courage de marcher une dizaine d’heures dans les bassi, les aulnes nains. Vallon de Cavicchia à droite vers les bergeries de Saltare, étape obligée avant les cols de Serra Pianella ou des Maures (alpinistes seulement).

Tiens, laissez moi vous narrer une aventure qui m’est arrivée dans la Cavicchia, il y a bien longtemps. Mais au préalable, il me faut vous présenter u fulettu, l’esprit des montagnes. Il s’agit selon toute vraisemblance du diable qui prend l’image d’un animal, un porc ou un cabri par exemple. Le berger qui veut rassembler ses bêtes ne parvient pas à attraper une bête isolée. Elle se laisse approcher mais finit toujours par s’éloigner un peu. Le berger se rapproche encore. Le manège continue jusqu’à ce l’animal ait attiré l’homme au plus près d’un ravin où il finit par tomber s’il ne comprend pas à temps qu’il est la victime d’un piège diabolique.

Or donc, peu avant mes vingt ans, nous étions partis avec deux amis poser des filets dans l’espoir d’attraper assez de truites pour nourrir les convives du repas d’anniversaire. Je sais. C’est prohibé. Mais il y a prescription d’une part et je dois confesser que nous n’avons rien pris d’autre part. Drôle de nuit très claire et braconniers bredouilles et transis après une nuit dans la petite grotte qui se situe non loin du traghjettu di u zoppu , le gué du boiteux. Le lendemain en plein midi, histoire d’éviter les gendarmes, nous avons entamé le retour vers le village. Au plus haut des calanche, en plein soleil, deux à trois cents mètres au-dessus de la rivière, dans un relief très escarpé, nous avons entendu jouer de la flûte. Pas le vent dans les roches, non, une vraie mélopée qui s’arrêtait dès que nous appelions le musicien..euh..oh.. avant de reprendre. L’endroit était improbable pour un concert et même dangereux. Nous nous approchions de plus en près du précipice pour essayer de distinguer le parfait illuminé qui jouait dans le vide. J’ai compris que c’était le fulettu quand j’ai regardé mes compagnons. Nous étions tous les trois, au bord du ravin, très près de chuter, attirés par le vide. J’ai crié pour qu’on recule et nous sommes repartis dans un silence absolu. La flûte ne jouait plus. Etonnant non ?

Ah un petit post-scriptum qui n’a rien à voir mais c’est Noël et puis je fais ce que je veux sur mon blog.

Le figatellu qu’on mange en cette saison se fait cuire, jamais cru ! L’idéal c’est à la cheminée en récupérant sa graisse au fur et à mesure, dans deux tranches de pain ouvertes en sandwich. Il doit devenir rouge et ne pas noircir. Si vous n’avez pas de cheminée, cuisson au four. Un plat à four rempli à moitié d’eau et recouvert d’une feuille d’aluminium percée. La graisse coule dans l’eau et ne pourrit pas le four. Position gril. Et là aussi, on surveille, il doit devenir écarlate mais jamais être carbonisé ! Servir avec une pulenta de farine de châtaignes ou une purée de pommes de terre, voire des lentilles ou des marrons. Bon appétit.

Bon Natale a tutti amichi cari di Corsica o d’altro !

Bon Noël à tous, chers amis de Corse ou d’ailleurs !

Je vous parlerai du Filosorma la prochaine fois..

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

Filosorma..squadra d’arroza et autres spectres

Cet article a été publié pour la première fois sur l’excellent site http://www.la-rando.com/

La Corse est un pays magique. En écrivant cette phrase, je ne pense pas aux paysages merveilleux de notre île. Non. Celui qui vous parle, c’est l’enfant à qui on racontait des histoires effrayantes à la veillée. Ce même enfant qui, devenu adulte, qui aimerait bien aujourd’hui en quelques lignes évoquer à son tour, cet aspect de notre culture qui ne doit pas sombrer dans l’oubli..Et puis comme il est avant tout question du Filosorma, j’enrichirai le tout d’histoires vraies, forcément vraies, qui m’ont été rapportées parfois par des témoins directs

Savez vous que nos villages sont peuplés de sorcières ?

Le personnage de la sorcière, « streie », se présente en Corse avec les traits classiques de son statut d’anti-mère : au lieu de donner du lait aux enfants, elle suce leur sang. La sorcière opère surtout dans les maisons, dans lesquelles elle s’introduit par le trou de la serrure. Elle s’approche des berceaux et suce le sang des enfants endormis, à la manière d’une belette, dont elle prend souvent la forme.

Les esprits du brouillard qui se lève…

On les appelle les lagramanti, sans doute parce qu’ils inspirent une terreur égale à celle que répandaient dans l’île les razzias d’Agramant, un cruel chef Sarazin. Ce sont les Esprits du Brouillard et on ne les voit jamais. Par les nuits ténébreuses et gorgées de brumes, on entend seulement leurs plaintes qui intriguent le voyageur et l’attirent vers le marécage, ou leurs hurlements qui le terrorisent et le jettent dans une fuite éperdue vers le torrent ou le précipice.

Ce bruit de charrette dans le ciel…

Âmes en peine, esprits des brouillards qui entourent et se saisissent des passants attardés par les chemins déserts : lagrimenti et mortuloni vont en compagnie (cumpania mumma, squadra d’Arozza).

S’il se trouve des bretons dans l’assistance, ils ne manqueront pas de faire le rapprochement avec l’Ankou leur charrette des morts. J’ai découvert cette similitude parfaite en lisant «  le cheval d’orgueil  » de Helias.

Curieux non que dans des contrées si éloignées, nous retrouvions la même symbolique.

Toujours est-il que cette fameuse charrette, il m’a été donné de rencontrer deux personnes qui l’avaient entendue. Ange B et Ambroise S.. Mes cousins tous les deux. Seul le second est encore en vie et son poil se hérisse en racontant (il faut insister) l’histoire.

Ils étaient tous deux en estive à la bergerie de Puscaghja, dans la vallée de l’Onca dont j’aurais l’occasion de reparler à propos des mazzeri. Le soir tombait. Tout d’un coup, au-dessus de leurs têtes, un bruit horrible s’est fait entendre, chaînes, cris. Mon cousin ne pouvait décrire ce qu’il avait entendu qu’en disant que c’était comme les hurlements de femmes qu’on égorge. Ils étaient transis de peur et ne pouvaient plus bouger. Ce n’est qu’après de longues minutes qu’ils ont repris leurs esprits et on découvert que les chèvres avaient fui au plus loin et que les chiens tremblant, apeurés, ne leur seraient d’aucune utilité. Il leur a fallu des heures pour rassembler le troupeau. Que des hommes aient entendu quelque chose et l’aient interprété, pourquoi pas. Mais que les animaux aient eu peur eux aussi, c’est plus inexplicable. Je ne parierai pas sur la charrette des morts mais faute d’explication satisfaisante, je dois m’en contenter. D’ailleurs, il me faut bien l’admettre, je n’aime guère la vallée en question où j’ai souvent dormi et jamais très à l’aise. Mais ce sera l’objet d’un autre propos.

La Corse est un pays magique. En écrivant cette phrase, je ne pense pas aux paysages merveilleux de notre île. Non. Celui qui vous parle, c’est l’enfant à qui on racontait des histoires effrayantes à la veillée. Ce même enfant qui, devenu adulte, qui aimerait bien aujourd’hui en quelques lignes évoquer à son tour, cet aspect de notre culture qui ne doit pas sombrer dans l’oubli..Et puis comme il est avant tout question du Filosorma, j’enrichirai le tout d’histoires vraies, forcément vraies, qui m’ont été rapportées parfois par des témoins directs

Savez vous que nos villages sont peuplés de sorcières ?

Le personnage de la sorcière, « streie », se présente en Corse avec les traits classiques de son statut d’anti-mère : au lieu de donner du lait aux enfants, elle suce leur sang. La sorcière opère surtout dans les maisons, dans lesquelles elle s’introduit par le trou de la serrure. Elle s’approche des berceaux et suce le sang des enfants endormis, à la manière d’une belette, dont elle prend souvent la forme.

Les esprits du brouillard qui se lève…

On les appelle les lagramanti, sans doute parce qu’ils inspirent une terreur égale à celle que répandaient dans l’île les razzias d’Agramant, un cruel chef Sarazin. Ce sont les Esprits du Brouillard et on ne les voit jamais. Par les nuits ténébreuses et gorgées de brumes, on entend seulement leurs plaintes qui intriguent le voyageur et l’attirent vers le marécage, ou leurs hurlements qui le terrorisent et le jettent dans une fuite éperdue vers le torrent ou le précipice.

Ce bruit de charrette dans le ciel…

Âmes en peine, esprits des brouillards qui entourent et se saisissent des passants attardés par les chemins déserts : lagrimenti et mortuloni vont en compagnie (cumpania mumma, squadra d’Arozza).

S’il se trouve des bretons dans l’assistance, ils ne manqueront pas de faire le rapprochement avec l’Ankou leur charrette des morts. J’ai découvert cette similitude parfaite en lisant «  le cheval d’orgueil  » de Helias.

Curieux non que dans des contrées si éloignées, nous retrouvions la même symbolique.

Toujours est-il que cette fameuse charrette, il m’a été donné de rencontrer deux personnes qui l’avaient entendue. Ange B et Ambroise S.. Mes cousins tous les deux. Seul le second est encore en vie et son poil se hérisse en racontant (il faut insister) l’histoire.

Ils étaient tous deux en estive à la bergerie de Puscaghja, dans la vallée de l’Onca dont j’aurais l’occasion de reparler à propos des mazzeri. Le soir tombait. Tout d’un coup, au-dessus de leurs têtes, un bruit horrible s’est fait entendre, chaînes, cris. Mon cousin ne pouvait décrire ce qu’il avait entendu qu’en disant que c’était comme les hurlements de femmes qu’on égorge. Ils étaient transis de peur et ne pouvaient plus bouger. Ce n’est qu’après de longues minutes qu’ils ont repris leurs esprits et on découvert que les chèvres avaient fui au plus loin et que les chiens tremblant, apeurés, ne leur seraient d’aucune utilité. Il leur a fallu des heures pour rassembler le troupeau. Que des hommes aient entendu quelque chose et l’aient interprété, pourquoi pas. Mais que les animaux aient eu peur eux aussi, c’est plus inexplicable. Je ne parierai pas sur la charrette des morts mais faute d’explication satisfaisante, je dois m’en contenter. D’ailleurs, il me faut bien l’admettre, je n’aime guère la vallée en question où j’ai souvent dormi et jamais très à l’aise. Mais ce sera l’objet d’un autre propos.

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

 

Il était une fois..Tempi d’una volta

Cet article a été publié pour la première fois sur l’excellent site http://www.la-rando.com/

Ne comptez pas sur moi pour vous dire où se trouve le Filosorma. Vous trouverez bien par vous même. La vallée est reculée. Au point que lors d’un séjour en Castagniccia dans la famille d’un pote étudiant (c’est vous dire si c’est vieux!), la maman de cet ami m’a demandé d’où je venais. Question rituelle en Corse car on est de quelque part avant d’être quelqu’un. Quand je lui ai dit que je venais du Filosorma, elle n’en revenait pas! Elle croyait que c’était une contrée imaginaire puisque que chez elle, on disait « è in Filosorma »  » c’est au Filosorma » pour évoquer un endroit mystérieux et lointain. Pas étonnant qu’une région aussi reculée soit le berceau d’autant de légendes! Jugez en plutôt et en version bilingue..

Tempi d’una volta

Tempi d’un volta…un zitellettu innafantatu da e fole ch’ellu sentia a veghja, ma chi, mancu per more, un averia lasciatu a so piazza .

Zii e zie li parlavanu di e «  streie  » chi venenu, travestite in bellule, per suchjà u sangue da e criature indè i beculi, passandu per u chjavaghjolu. Li contavanu cumu a nebbiaccia chi si pesa, capinsu, versu a Caprunale, è populata da spiriti, i lagramenti, chi u so mughime arrica tantu a paura a u viaghjadore, ch’ellu finisce per lampassi in qualchi pricipiziu. Li facianu sente stessu u rimore di a carriola da i morti , a squadra d’arrozu, ch’agguantanu l’anime da i passante, persi a notte per questi chjassi abbandunati. U zitellu amparava chi un ci vole micca francà u ghjargalu senza lampacci una petra per alluntanà i spiriti di quelli chi stanu sotta a l’acqua.

Omu citava in gran’ sicretu, l’omu o a dona chi era mazzeru o mazzera. U cacciadore notturnu, chi si ne va indè a macchja per caccidià, tomba una fera e vede subitu a faccia di qualchi paesanu. A morte di questuqui un era tantu a ghjunghje. Timutu era u mazzeru chi cuniscia i sicreti di u destinu e sappia parlà incu l’animali e a natura.

Stu mondu chi u zitellu scupria era magicu pienu d’ovi chi un divintavanu mai fracichi, perche eranu stati fatti u ghjornu di l’Ascinzione e facianu piantà u tempurale. U pane di San Antone assicurava e case.

Ci era a l’infora, a bughjicone, mortuloni cattivi e qui, vicinu a lampana a pitroliu, quelli chi sappianu e sosule per cumbatteli. Una notte di Natale, a so Mamma li amparo e preghere per crucià l’occhju. Un a micca avutu u tempu di amparaline di piu…

U zitellu è divintatu un omu. Ellu sa chi tuttu que è a prova chi i Corsi anu di cascu questa vicinanza incu a natura e a memoria di certe cose venute da i primi tempi, sminticate altro. Ellu sa dino chi questa sapienza si perde e ch’ellu si perde incu n’ella un pezzu di piu, da cio chi no semu. St’omu, oltru quelle infrasate, vulerebbe simplicemente chi quelli chi l’anu da leghje appianu sempre in mente e in core, tutte ste storie e incu n’elle, quelli chi cunuscianu l’arcani e anu raghjuntu ava a pinumbra .

Ci so i ghjorni ch’omu vulerebbe tantu esse impauritu torna….

Il était une fois

Il était une fois…un petit garçon épouvanté par les histoires qu’on lui racontait à la veillée mais qui n’aurait laissé sa place pour rien au monde.

Les oncles et tantes lui parlaient des sorcières qui viennent, déguisées en belettes, pour sucer le sang des bébés dans les berceaux en passant par le trou des serrures. Ils lui racontaient comment le brouillard qui se lève, là haut, vers Caprunale est peuplé d’esprits, les lagramanti, dont les hurlements font tellement peur au voyageur qu’il finit par se jeter dans un précipice. Ils lui faisaient entendre le bruit de la charrette des morts qui saisissent les âmes des passants perdus la nuit sur les chemin déserts. L’enfant apprenait qu’on ne devait pas traverser un torrent sans y jeter une pierre pour éloigner les esprits de ceux qui vivent dans les eaux.

On lui désignait en secret, l’homme ou la femme qui était mazzeru. L’esprit chasseur, qui la nuit part dans le maquis, tue un animal et voit alors le visage de quelqu’un du village. La mort de celui-là était proche. Le mazzeru était craint car il connaissait le secret du destin et parlait aux animaux et à la nature.

Ce monde que découvrait l’enfant était magique, peuplé d’œufs qui ne pourrissaient pas parce qu’il avaient été pondus le jour de l’Ascension et arrêtaient les tempêtes. Le pain de Saint Antoine protégeait la maison.

Il y avait dehors dans la nuit noire des esprits malveillants et là autour de la lampe à pétrole ceux qui connaissaient les recettes pour les combattre. Une nuit de Noël, sa mère lui apprit même les prières pour combattre le mauvais œil. Elle n’eut pas le temps de lui en apprendre d’autres.

L’enfant est devenu un homme. Il sait que tout cela est la preuve que les Corses ont en héritage une grande proximité avec la nature et la mémoire de choses venus des premiers temps, qui ont été oubliées ailleurs.

Il sait aussi que cette connaissance se perd et avec elle un morceau supplémentaire de ce que nous sommes.

Cet homme à travers ces quelques lignes voudrait tout simplement que ceux qui vont le lire n’oublient pas ces histoires et avec elles, ceux qui connaissaient les secrets et ont rejoint à leur tour le royaume des ombres.

Il y a des jours où on aimerait pouvoir avoir peur de nouveau.

Plus de détails dans le prochain billet… s’ella vi piace.. si ça vous plait!

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

 

Lien

Ces textes ont été initialement publiés dans l’excellent site http://www.la-rando.com/

Capicursura Auturnu in Corsica, mi piace assai. Pare chi dopu tempi di calmana e invasione estivu, a terra trovi torna u riposu e si rifiati. U mo paese è pienu d’una musichella chi ava supraneghja. Quella di a funtana nantu a a piazza et dino quella di u vergalu chi ava chi è piossu, corre torna. Ognitantu, una fucilata, u rimore indè a machja di quelli lignaghjoli chi arruchjanu, u legnu chi omu accatasta vicinu a a casa e, e prime ceppate sciuppintendu. U frescu si ne falla a sera da e muntagne e ben chi e ghjurnate sianu sempre splendide, omu a sente chi si ne fughje a stagio. Ci vole a esse un cerbellu ottusu per lagnà l’istate e a so viulenza. Culori bruttale, sciappittana, rimore di a ghjente. Quelli chi so omi dilicati, di a sterpa chi li ghjove quelle stondette miraculose rigalate da a natura, quessi si sceglieranu l’auturnu quante omu sceglie una dona bella e discreta in vece di un ‘altra, forse piu splendida ma vidicula.  T’arrizzi a mane, so appannati i vetri, e bevi u to caffè arritu arritu agguardendu l’ortu e e muntagne piu in su , induve a fumaccia resiste sempre. Ma un sera tantu u sole, a vince. Tandu sera l’ora di mette i scarpi, una vesta per e prime stonde di a spassighjata et po sorte in fattu fine.  A piniccia ti rigalara i lattosi, altro si tu si furtunatu, seranu sprignoli e gallisturzi e si tu ti lampi indè i vecchji giardini, truvarè parachini, bianchi bianchi a mezza erba verde chi ti feranu spirlichjite. Tamanta tranquillità e in listessu tempu un speziu di tristezza chi vedi chi tutta questa belleza è viota e senza umanità. Muri murzicosi si ne fallanu e i castagni so a l’allera. E castagne…rutuleghjanu, piccanu e si lascianu piglià quante ghjuvelli castagnini luccicandu indè i so stuccii mezz’aperti. Ne ruzzichi una a punta di a cultella e coglii l’altre, una piena sporta. Sta sera, arrusteranu nantu a a brusta. Acelli volenu, so petraghjoli, i culombi un so ancu ghjunti. Pare chi indè i tempi, eranu cusi numerosi chi aniulavanu u celu, mascandu u lume di u sole. Tuttu d’un colpu e fucilate di tandu ti parenu ava piu triste. Di quassu, di a cresta, vedi u paese e qualche fumacciole assai scarse chi cullanu in celu. Siluette chi s’affurianu sin’ a u camione di u panateru. U scornu di pane, un pezzu di carne purcina, vicinu a l’oghju ghjacciatu e po fallarè versu e

Une importante rencontre.

C’était au début de l’été 1977. Je ne me souviens plus du nom du bateau qui assurait cette nuit là, la liaison entre Toulon et Bastia mais je sais que j’étais en quatrième classe. Le pont avec des chaises longues en guise de couchettes. Mais peu importait le confort. Partir au village pour deux longs mois de vacances, valait bien une nuit blanche.

Au milieu du pont, je me suis trouvé installé tout proche de quelques jeunes gens qui n’ont pas tardé à sortir les guitares et à chanter en langue corse. Et ils chantaient et jouaient fort bien. Autour d’eux, une assemblée n’a pas tardé à se former. Des touristes pour la plupart et de mémoire, beaucoup d’allemands qui applaudissaient.

Le groupe m’a vite semblé agacé par ce succès et, peut-être que je me trompe, par le fait que leur public n’était pas celui qu’il désirait. Ils ont rangé les guitares.

Je suis allé sur le pont où j’ai entamé la conversation avec un homme plus âgé qui accompagnait les chanteurs et musiciens. Il m’a demandé d’où je venais, où j’allais et di quale era..de qui j’étais.. les traditionnelles questions lorsque deux insulaires se rencontrent. Puis, il a souhaité savoir si je parlais le corse. Je lui ai répondu que je le comprenais mais que je n’osais pas le parler car tout le monde se moquait de mon accent. Ahè, seria megliu di parlà in francese chi di struppià u corsu.. Il m’a avec beaucoup de gentillesse, et ce pendant toute la traversée, expliqué que les erreurs importaient peu. Que la langue ne devait pas mourir et qu’il fallait que je persévère en oubliant les moqueries. Une nuit entière au bastingage à parler corse, à écouter les explications de cet homme rejoint par son fils, à comprendre grâce à lui, que j’étais à ma façon un passeur de mémoire. Je lui ai dit au-revoir au matin en arrivant à Bastia sans savoir qui il était.

Ce n’est que bien plus tard, en lisant une nécrologie dans le journal, que j’ai découvert que mon compagnon de voyage était Jules Bernardini, poète et chanteur de Tagliu-Isolaccia et père de Ghjuvan-Francescu et Alanu Bernardini.. I Muvrini.. Ils ont bien changé (et tant mieux!) car ils chantent désormais pour tout le monde en se faisant les magnifiques ambassadeurs de notre langue

. Ghjuliu Bernadini in memoria..

M. Jules Bernardini, je ne l’ai jamais oublié. La preuve.. 36 ans plus tard, je luis dédie mon premier article. Il m’a montré l’importance de maintenir la langue et donné l’envie et le courage de progresser sans gêne ou honte.  A ringraziavi.

 
Ghjuliu Bernadini in memoria..

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…