Une chose est certaine. Il y a beaucoup de caricatures, de clichés, lorsqu’on parle de la Corse. Un livre ne suffirait pas à les recenser tous. Une en particulier perdure. Celle du fameux bandit d’honneur. Mérimée, il faut bien l’admettre, nous a fait du mal. Son goût du pittoresque a résumé la société insulaire à des femmes toujours en noir, avides de vengeance et à des bandits d’honneur bien entendu. Son talent, a transformé Colomba et Mateo Falcone en figures incontournables. Des références.
Comme toujours, la réalité est bien plus complexe. Le crime d’honneur relève le plus souvent de la vendetta. L’insulte qu’on ne supporte pas et qu’on lave dans le sang pour fuir ensuite dans le maquis, aidé par sa famille et son clan. On retrouve aussi ceux qui ont refusé la conscription. De braves gens qui n’ont fait que respecter des valeurs ancestrales. Cette vision romantique, nous la retrouvons dans les écrits de Paul Valery (d’origine corse par son père) qui dans une de ses nouvelles, affirme qu’ils « ..ne sont point des malfaiteurs, car jamais ils ne voleraient les voyageurs. ».
Une chose est certaine. La Corse était mal administrée. Que ce soit sous Gênes, dans l’après-indépendance, sous la Révolution ou au moment des conflits européens des 19ème et du 20ème siècles, la violence a augmenté dans l’île.
Pascal Paoli, conscient du problème, avait décrété la « Ghjustizia Paolina » avec pour ambition de mener la guerre aux brigands et à ceux qui pratiquaient la « vindetta ».
On peut être aussi certain d’une chose. Le départ au maquis commence toujours par un évènement sanglant. Poli, condamné pour désertion, tue ses gardiens. Romanetti est coupable, très jeune, d’agressions et de divers assassinats. Poli est un pur voyou, de ceux qu’on nommera les bandits percepteurs. Idem pour Bornea..sans parler de Spada qui était un fou furieux.
Le site « Corsica mea » consacre un article complet à ce sujet et donne, outre la biographie des plus connus, des chiffres assez effrayants. Entre 1683 et 1715, 28745 meurtres..Entre 1818 et 1852, 4.646 meurtres. La moyenne annuelle des homicides dans la première moitié du 19ème siècle est de 200.
Et n’en déplaise aux romantiques, aux journalistes avides de sensationnel et fascinés par le mythe du palais vert, les bandits étaient des brigands. Ils rackettaient les services de voyageurs, rançonnaient les habitants et cherchaient avant tout l’argent facile.
J’ai déjà eu l’occasion dans ce blog (ici) de raconter comment mon aïeul, celui qui a construit la première maison du village, a été nommé garde des eux et forêts pour avoir abattu deux malandrins qui en voulaient à sa vie. Ma mère me racontait aussi qu’une femme d’un certain âge, vivant dans un hameau voisin, et dont j’avais fait la connaissance, était la fille d’un bandit qui avait violé sa mère. L’honneur est assez loin dans toutes ces affaires.
Mais il est difficile de lutter contre le romanesque et cette séduisante affaire de bandit d’honneur continue à prospérer. Elle fait vendre du papier, des stylets fabriqués en Chine et reste hélas un triste symbole de nôtre île. Ah..triste conclusion au moment où j’écris ces lignes.. Avec « 18 homicides et 16 tentatives d’homicides » enregistrés en 2024, l’île se hisse « au premier rang national en la matière » au regard de ses 355.000 habitants a rappelé le Préfet et Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, a plaidé pour une « action de fond, politique, économique, sociale et culturelle » afin de contrer la mafia, dénonçant « les dérives d’une société gangrenée par l’argent facile et le trafic de drogue ».
En finir avec le culte du bandit et la violence.. « A Maffia No, A Vita Iè » (Non à la mafia, oui à la vie)
PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…